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couchent les enfants, allument des feux et mettent la cuisine en train. Si elles se trouvent peu éloignées d’un endroit habité, elles s’y portent en détachement pour y faire la provision ; se jettent sur le village comme des bêtes affamées et demandent aux habitants des vivres pour l’armée ; quand on leur en donne de bonne volonté, elles ne font aucun mal ; mais, si on leur résiste, elles se battent comme des lionnes, et, par leur féroce courage, triomphent toujours de la résistance ; elles pillent alors, saccagent le village, emportent le butin au camp et le partagent entre elles.

Ces femmes, qui pourvoient à tous les besoins du soldat, qui lavent et raccommodent ses vêtements, ne reçoivent aucune paie et n’ont pour salaire que la faculté de voler impunément ; elles sont de race indienne, en parlent la langue et ne savent pas un mot d’espagnol. Les ravanas ne sont pas mariées, elles n’appartiennent à personne et sont à qui veut d’elles. Ce sont des créatures en dehors de tout ; elles vivent avec les soldats, mangent avec eux, s’arrêtent où ils séjournent, sont exposées aux mêmes dangers et endurent de bien plus grandes fatigues. Quand l’armée est en marche, c’est presque