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Je me mis sérieusement à étudier les officiers qui venaient chez mon oncle et ceux avec qui je causais familièrement tous les soirs chez Althaus.

Cependant je n’avais pu anéantir tellement tout mon être, que les bons principes qui étaient en moi ne se soulevassent contre la carrière dans laquelle je m’obstinais à vouloir me lancer. Assaillie, quand j’étais seule, de sinistres réflexions, je me représentais les nombreuses victimes qu’il faudrait immoler pour parvenir à se saisir du pouvoir et pour le conserver. Je cherchais vainement à me faire illusion par les beaux plans de bonheur public dont je bâtissais la chimère : une voix secrète me demandait qui m’avait révélé la certitude de leurs succès pour en tenter, au prix du meurtre, la réalisation, et si je pouvais accuser, des malheurs de ma position, les personnes dont je serais forcée de conjurer la perte. Je voyais déjà s’élever contre moi les mânes de mes antagonistes égorgés : mon cœur de femme se gonflait, mes cheveux se hérissaient sur ma tête, et je subissais le supplice anticipé des remords.

Si, après avoir enduré toute une nuit le