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j’étais si cruellement victime, qui sanctionnait la servitude du sexe faible, la spoliation de l’orphelin, et je me promis d’entrer dans les intrigues de l’ambition, de rivaliser d’audace et d’astuce avec le moine, d’être, comme lui, persévérante, comme lui, sans pitié.

Dès ce moment, l’enfer fut dans mon ame !… L’enfer, nous le rencontrons toujours en déviant de la route que la Providence nous a tracée, et nos tourments augmentent à mesure que nous nous en éloignons. C’est vainement que nous tentons de changer notre nature ; peu de personnes, je pense, pourraient manifester une volonté plus forte que celle dont Dieu m’a douée ; et cependant, ayant la ferme intention de m’endurcir, de devenir ambitieuse, je ne pus y réussir. Je portai toute mon attention sur Baldivia ; je l’étudiai et compris son ardent désir de domination, sa haine contre l’évêque ; mais aucun de ces sentiments ne put pénétrer en moi ; je sentis que l’existence du moine me serait antipathique. Je pris la place d’Althaus, et je reconnus que les fortes émotions après lesquelles il courait me causeraient d’horribles douleurs. Quant à mon oncle, je ne pus jamais comprendre quelle jouissance il pouvait éprou-