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gnit que je ne l’aimasse trop. Cette seconde déception m’avait déchiré le cœur, j’en avais horriblement souffert mais, loin de se laisser abattre, mon ame, s’agrandissant par la douleur, n’en était devenue que plus aimante et plus ferme dans sa foi. À toute ame ardente, il faut un Dieu qu’elle puisse encenser, un temple où elle puisse verser de douces larmes et pressentir, dans le recueillement, l’avenir que sa foi lui promet.

Mes souffrances m’avaient révélé toute la puissance d’aimer dont Dieu m’a douée ; et, après ces deux déceptions, il n’entrait pas dans ma pensée que la grandeur de mon amour pût être comprise par un homme qui n’eût pas été lui-même susceptible de ces actes de dévouement que la race moutonnière traite de folies parce qu’elle n’y voit aucun intérêt personnel, mais que transmet aux races futures le souvenir des hommes de cœur, comme les plus honorables titres de l’humanité et comme ceux qui constatent le plus beau de ses progrès.

Dans tous les temps, dans tous les pays, il s’est constamment rencontré des hommes qui se sont imposé les plus pénibles travaux à qui rien n’a coûté, qui n’ont reculé devant aucun