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d’accepter. La terre, dont la vue fait battre le cœur d’allégresse lorsqu’on la découvre en mer, a bientôt perdu tout son charme quand on se trouve sans ami au milieu d’un peuple encore très éloigné de la civilisation à laquelle on est habitué. À l’offre que me fit madame Watrin, M. Chabrié devint rouge ; ses yeux se fixèrent sur moi avec une expression de douloureuse anxiété. Je refusai, et nous prîmes congé de cette aimable femme en lui promettant de revenir le surlendemain.

Nous fîmes le tour de la ville : il était alors six heures du soir. Le soleil baissait et une légère brise aidait à supporter le déclin de la chaleur du jour.

Toute la population était dans les rues, respirant le frais devant les portes des maisons ; nous fûmes alors assaillis par l’odeur de nègre, on ne saurait la comparer à rien, elle soulève le cœur, elle vous poursuit partout. Entre-t-on dans une maison, on est à l’instant saisi par cette émanation fétide. Si l’on s’approche de quelques enfants pour voir leurs jeux, vite on s’éloigne, tant l’odeur qui s’en exhale est repoussante. Moi, dont les sens sont très susceptibles, à qui la moindre senteur porte à la tête ou à l’estomac,