Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.

précoces déceptions, la vie avait été pour lui sans illusions. M. David hait l’espèce humaine et considère les hommes comme des bêtes féroces, toujours prêtes à s’entr’égorger : plus d’une fois, ayant ressenti leurs atteintes, il est sans cesse occupé à se mettre en garde contre leurs attaques. Le malheureux n’a jamais aimé personne, pas même une femme. Nul être n’a jamais compati à ses peines, et son cœur s’est endurci. La seule jouissance qu’il conçoive est de s’abandonner à tous ses penchants. Les douces émotions de l’ame ont été étouffées en lui avant même qu’elles ne se fussent développées ; les sensations corporelles dominent, et l’ame est comme anéantie. Il aime avec passion la bonne chère, trouve des délices à fumer un cigare, et réjouissait sa pensée en songeant aux jolies filles de n’importe quelle couleur qu’il allait rencontrer dans le premier port où le hasard nous ferait mouiller. Ce sont les seules amours qu’il comprenait.

M. David est un fort joli homme, d’une taille élancée, d’une santé robuste, quoique maigre. La régularité et la finesse de ses traits, la pâleur de son teint, ses favoris noirs et sa chevelure brillante comme du jais, le feu de ses yeux et