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niers signes d’adieu. Tout à coup l’indignation me rendit mes forces, et, m’élançant à une des fenêtres, je m’écriai d’une voix étouffée :

Insensés ! je vous plains et ne vous hais pas ; vos dédains me font mal, mais ne troublent pas ma conscience. Les mêmes lois et les mêmes préjugés dont je suis victime remplissent également votre vie d’amertume ; n’ayant pas le courage de vous soustraire à leur joug, vous vous en rendez les serviles instruments. Ah ! si vous traitez de la sorte ceux que l’élévation de leur ame, la générosité de leur cœur porteraient à se dévouer à votre cause, je vous le prédis, vous resterez encore longtemps dans votre phase de malheur.

Cet élan me rendit tout mon courage, je me sentis plus calme ; Dieu, à mon insu, était venu habiter en moi. Ces messieurs du Mexicain rentrèrent dans la chambre ; M. Chabrié seul paraissait ému ; de grosses larmes tombaient de ses yeux. Je l’attirai vers moi d’un regard sympathique, il me dit : Il faut du courage pour s’éloigner de son pays et quitter ses amis ; mais j’espère, mademoiselle, que nous les reverrons… »

Arrivée à Pouillac, j’avais l’apparence de la résignation. Je passai la nuit à écrire mes der-