fames calomnies. Excepté un petit nombre d’amis, personne ne l’en croit sur son dire, et, mise en dehors de tout par la malveillance, elle n’est plus, dans cette société qui se vante de sa civilisation, qu’une malheureuse Paria, à laquelle on croit faire grâce lorsqu’on ne lui fait pas d’injure.
En me séparant de mon mari, j’avais abandonné son nom et repris celui de mon père. Bien accueillie partout, comme veuve ou comme demoiselle, j’étais toujours repoussée lorsque la vérité venait à se découvrir. Jeune, jolie et paraissant jouir d’une ombre d’indépendance, c’étaient des causes suffisantes pour envenimer les propos et me faire exclure d’une société qui gémit sous le poids des fers qu’elle s’est forgés, et ne pardonne à aucun de ses membres de chercher à s’en affranchir.
La présence de mes enfants m’empêchait de me faire passer pour demoiselle, et presque toujours je me suis présentée comme veuve ; mais, demeurant dans la même ville que mon mari et mes anciennes connaissances, il m’était bien difficile de soutenir un rôle dont une foule de circonstances pouvaient me faire sortir. Ce rôle me mettait fréquemment dans de fausses positions, jetait sur ma personne un voile d’ambiguïté et m’attirait sans cesse les plus graves désagréments. Ma vie était un supplice de tous les instants. Sensible et fière à l’excès, j’étais continuellement froissée dans mes sentiments, blessée et irritée dans la dignité de mon être. Si ce n’eût été l’amour que je portais à mes enfants, à ma fille surtout, dont le sort à venir, comme femme, excitait trop vivement ma sollicitude pour ne pas rester auprès d’elle, afin de la protéger et la secourir ; sans ce devoir sacré dont mon cœur était profondément pénétré, que Dieu me le