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je ne m’en croyais capable : nul ne sut un mot de mes affaires, pas même ma cousine, la personne avec laquelle j’avais le plus d’abandon.

Le 28 octobre, M. Viollier, Français employé dans la maison de M. Le Bris, vint m’annoncer l’arrivée du Mexicain à Islay, m’informant qu’il s’y rendait sur-le-champ, et serait de retour le lendemain ou le jour suivant avec M. Chabrié, qui voulait venir à Aréquipa. Depuis mon départ de Valparaiso, j’avais à peine hasardé d’arrêter ma pensée sur M. Chabrié. Son amour, auquel je ne pouvais répondre, la promesse qu’il m’avait arrachée et que je savais ne pouvoir tenir, pesaient sur mon cœur. Je craignais d’en envisager les suites : j’en ressentais une douleur si profonde, que, n’osant m’avouer que Chabrié existait encore, j’aurais presque désiré qu’une mort funeste me permît de verser sur lui de douces larmes. Combien de fois la nuit, lorsque le sommeil fuyait mes paupières, avais-je fait de vains efforts pour assoupir ma mémoire ! malgré moi mes souvenirs me reportaient sur le Mexicain ; je voyais Chabrié appuyé sur le bord de mon lit, me parlant de ses espérances de bonheur, me peignant la félicité dont nous jouirions dans cette belle Californie. Ces tableaux