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être la misère, qui s’accroît tous les jours, fera-t-elle naître l’amour du travail et les vertus sociales qui en découlent ; peut-être encore la Providence suscitera-t-elle à ce peuple un homme au bras de fer qui le mènera à la liberté comme Bolivar avait commencé à le faire.

Chaque dimanche, il fallait que, dès les dix heures du matin, je fusse en grande toilette dans le salon pour recevoir des visites jusqu’à trois heures, moment où l’on se mettait à table pour dîner, et, ensuite, depuis cinq heures jusqu’à onze heures du soir. Jamais je n’ai eu de corvée plus fatigante. Les dames y venaient montrer leur parure, les hommes par désœuvrement, et tous portaient, sur leur physionomie, l’expression d’un ennui permanent. Comme le pays n’offre aucune ressource pour alimenter les causeries, il en résulte que la conversation est toujours froide, guindée, monotone. On en est réduit à médire de l’un et de l’autre, à parler de sa santé ou de la température. L’ennui rend curieux ; il me fut facile de voir que tous mes visiteurs auraient bien voulu connaître quel pouvait être le but de mon voyage ; mais leur caractère politique et réservé fit que je m’observais, à mon tour, avec plus de soin que