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nuer la rougeur, à me faire revenir la peau dans son état naturel et je désirais attendre quatre ou cinq jours encore avant de me présenter. Les deux premiers jours, on accepta l’excuse d’indisposition mais, le troisième, cela fit rumeur dans la ville et M. Durand, qui connaissait très bien l’esprit des Aréquipéniens, me conseilla de paraître si je ne voulais risquer de m’aliéner la bienveillance que les habitants montraient pour moi. C’est ainsi que sont les peuples dans l’enfance ; leur hospitalité a quelque chose de tyrannique. À Islay, il m’avait fallu, excédée de fatigue, rester au bal jusqu’à minuit. À Aréquipa, malgré mes souffrances de voyage et la douleur que je ressentais de la mort de ma grand-mère, il me fallait recevoir toute la ville le troisième jour après mon arrivée. On me fit à la hâte une robe noire. Je parus dans le vaste salon de mon oncle, couverte d’habits de deuil comme toute ma famille, et la tristesse de mon âme surpassait celle de mes vêtements.

Il est d’usage au Pérou, parmi les femmes de la haute classe, lorsqu’elles arrivent dans une ville où elles sont étrangères, de rester chez elles sans sortir pendant tout le premier mois, afin d’y attendre les visites. Ce temps écoulé,