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lui de nous guider. Don Balthazar, jugeant que, dans la position où j’étais, je ne pouvais monter sur ma mule sans m’exposer au risque d’aller rouler dans le précipice, me proposa de faire la descente à pied ; lui et son cousin me prirent sous les bras, me portant presque, et nous descendîmes ainsi, tandis que M. de Castellac menait les bêtes en laisse. Ce moyen nous ayant réussi, nous l’employâmes pour tous les autres pics que nous eûmes successivement à passer, et il s’en présenta encore sept ou huit.

Si, la veille, la vue des cadavres des animaux morts dans ces arides solitudes avait fait sur moi une profonde impression, on peut juger combien, le jour suivant, ma sensibilité, accrue par l’irritabilité du système nerveux, dut être affectée par le spectacle de victimes aux prises avec la mort du désert. Nous rencontrâmes deux malheureux animaux, un mulet et un ânon qui, succombant sous la faim et la soif, se débattaient dans l’agonie d’une mort affreuse. Non, je ne saurais dire l’effet que cette scène produisit sur moi ! La vue de ces deux êtres expirant dans des angoisses aussi horribles ; leurs sourds et faibles gémissements m’arrachèrent des sanglots comme si j’eusse assisté à la