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peut-être faute d’un verre d’eau ; cette idée ranima mes forces, et quoi qu’il dût en arriver, je préférai mourir de fatigue que de soif. J’éprouvai encore, dans cette circonstance, combien l’instinct vital est puissant sur nous. La crainte d’une mort aussi affreuse m’excita à un tel point, qu’à trois heures du matin j’étais prête. J’avais arrangé mes cheveux, fendu mes brodequins sur le dessus, afin que mes pieds gonflés fussent plus à l’aise ; j’étais habillée convenablement, j’avais mis toutes mes affaires en ordre, et j’appelai le docteur en le priant de me faire faire une tasse de chocolat. Ces messieurs furent surpris de me voir aussi bien : je leur dis que j’avais dormi et que je me sentais tout à fait remise. Je pressai les apprêts du départ, et nous quittâmes le tambo à quatre heures du matin.

Il faisait très froid : don Balthazar me prêta un grand poncho[1] bien doublé en flanelle ; on m’entortilla chaque main d’un foulard ; et, grâce à toutes ces précautions, je cheminai sans trop souffrir de la température.

En sortant du tambo, le paysage change entièrement d’aspect : là finit la pampa ; on entre

  1. Le poncho est un manteau péruvien qu’on met en voyage.