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russe, et j’ai acquis la conviction que ma bonne maman l’a ignorée aussi[1]. Je n’avais pas informé mon oncle de mon départ pour le Pérou ; et, n’ayant pas eu le temps de l’en prévenir, il ignorait encore que je fusse arrivée. Telle était ma position envers lui ; maintenant, je vais dire en peu de mots celle qu’il occupait dans le pays.

Don Pio de Tristan était revenu d’Europe en 1803, avec le grade de colonel. Il fit cette terrible guerre de l’indépendance dans laquelle les Péruviens mirent tant d’acharnement à conquérir leur liberté. Mon oncle est un des plus habiles militaires que l’Espagne ait jamais envoyés dans ces contrées. Quand les troupes du roi Ferdinand furent obligées d’évacuer Buenos-Ayres et le territoire de la république Argen-

  1. Mon oncle, peu de temps avant la mort de ma grand’mère, lui fit faire un testament par lequel sa femme était avantagée de 20,000 piastres, et dans lequel j’étais comprise pour un legs de 3,000 piastres. Ce testament est très long, et ma bonne maman, qui avait en son fils don Pio une aveugle confiance, le signa sans en connaitre les dispositions. Je n’y étais pas désignée comme la fille de don Mariano, mais par mon nom de Florita seulement, sans qu’on pût savoir à quel titre ce don m’était fait. Lors du partage de la succession, mon existence fut révélée aux parties intéressées par le prélèvement du legs. Mon oncle eut beaucoup de peine à faire consentir les parties à me donner cette somme. On demandait : « Mais pourquoi donner 15,000 fr. à une étrangère ? — Parce qu’il est présumable qu’elle est la fille de mon frère. »