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dont il est imbu. Flora, cette pensée me fait mal ; plus nous approchons de Valparaiso, plus je sens qu’elle brûle mon cerveau.

— Ah ! Chabrié, cela est horrible ! comme vous, je recule épouvantée devant les suites que pourrait avoir notre union ; dans mon ignorance je n’y avais pas songé.

Je cachai ma tête dans mes mains effrayée des conséquences de mon mensonge !…

— Mon amie, reprit M. Chabrié, ne vous laissez pas aller ainsi au chagrin. Sans doute notre position est fâcheuse car, avec mon caractère, je sens qu’une fois votre mari, le premier faquin (et il n’en manque pas en Amérique) qui se permettrait sur vous un mot ou un sourire équivoque aurait ma vie ou moi la sienne. Mais, chère amie, ne pensons point à des malheurs de ce genre avant qu’ils ne nous frappent. D’ailleurs, peut-être n’aurez-vous pas une piastre de toute cette grande fortune. Mon Dieu, je le souhaite de tout mon cœur !

J’étais restée anéantie. Paria dans mon pays, j’avais cru qu’en mettant entre la France et moi l’immensité des mers je pourrais recouvrer une ombre de liberté. Impossible ! dans le Nouveau-Monde j’étais encore Paria comme dans l’autre.