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ciales, et par nos efforts pour en supporter l’ennui. Nous célébrions le dimanche en mangeant, à dîner, de la pâtisserie, des conserves de fruits ; en buvant du Champagne ou du Bordeaux. À l’issue de ce dîner, M. Chabrié chantait soit des morceaux d’opéra ou des romances. Ces messieurs étaient remplis d’attention, et me faisaient de fréquentes lectures. Quand M. Miota se portait bien, il venait lire dans ma cabane les auteurs de l’école à laquelle il appartenait, Voltaire, Byron. M. David me lisait le Voyage du Jeune Anacharsis, Chateaubriand ou les fables de La Fontaine : M. Chabrié et moi nous lisions Lamartine, Victor Hugo, Walter Scott et surtout Bernardin de Saint-Pierre.

En partant de Bordeaux on avait dit : dans quatre-vingts ou quatre-vingt-dix jours nous serons à Valparaiso, et cependant M. Briet écrivait sur le journal du bord : « Le cent vingtième jour, en mauvaise route ; » alors le découragement commença à se mettre parmi nous ; on craignit de manquer d’eau ; tout le monde fut mis à la ration : un petit cadenas ferma le tonneau en consommation, afin qu’on ne pût y puiser qu’en présence de l’officier de quart. Cela fit naître de continuelles disputes : les matelots