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lui répondre et craignant de lui laisser lire sur mes traits ce qui se passait au fond de mon ame. Je restai longtemps sans pouvoir trouver une parole. Je me prosternais en pensée devant un tel amour, et puis, songeant que je ne pourrais jamais partager cet amour céleste, j’en versais des larmes de désespoir.

M. Chabrié souffrait de mon silence ; il le rompit et me dit — Mademoiselle Flora, s’il vous est impossible de me répondre un oui ou un non, regardez-moi, vos yeux sont tellement expressifs, que j’y devinerai facilement votre pensée.

— Ah ! pauvre ami, c’est justement afin de vous éviter cette nouvelle peine que je n’ose vous regarder.

— Vous refusez donc l’amour de votre vieil ami ? ah ! il vous aime pourtant bien !

— Chabrié ! lui dis-je, en jetant ma tête sur sa poitrine, votre amour me paraît trop grand, trop généreux. Je crains qu’il ne soit qu’un moment de folie.

— Flora ! en ce moment vous ne pensez pas ce que vous dites ; votre réponse est celle du monde, car c’est ainsi qu’on me jugera dans