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En disant ces mots, je lui serrais la main en lui mettant ses gants ; souvent même, en lui arrangeant ses doubles cravates, afin de le garantir du froid, je l’embrassais sur le front. Je me plaisais à l’entourer de ces soins et de ces caresses comme s’il eût été mon frère ou mon fils.

Je sens ici toute la difficulté de la tâche que je me suis imposée, non que rien de ce que j’ai à dire soit pour moi une cause de repentir ; mais je crains que la peinture d’un amour vrai, d’un côté, et d’une amitié pure, de l’autre, ne soit, dans ce siècle matériel, accusée d’invraisemblance ; je crains de ne rencontrer que peu de personnes dont l’ame, en harmonie avec la mienne, croie à mes paroles. Au surplus, avant de commencer ce livre, j’ai examiné attentivement toutes les conséquences possibles de ma narration, et, quelque pénibles que fussent les devoirs que ma conscience m’imposait, ma foi d’apôtre n’a pas chancelé ; je n’ai pas reculé devant leur accomplissement.

M. Chabrié, d’une nature sensible, ne put voir mes douleurs sans en être profondément ému : de l’amitié il passa à l’amour, comme cela serait arrivé à presque tous les hommes de son