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jours pur, où la température est tiède ne pouvait se faire aux neiges et aux glaces du cap. M. Miota, très frileux, habitué à toutes les douceurs de la vie de Paris et dont la santé était faible, souffrait horriblement. Cesario et Fernando pleuraient leur beau ciel d’Andalousie. Don José seul supportait le froid sans mot dire. Quant à M. David il se faisait un point d’honneur d’y paraître insensible, mais l’insociabilité de son humeur ne prouvait que trop qu’il en souffrait autant que nous. M. Chabrié était plus brusque et plus bourru que jamais, et moi j’étais devenue si capricieuse, si irritable, que la moindre contrariété excitait mes larmes ou ma colère. Le seul individu qui se montra toujours le même fut le cuisinier : il ne se démentit pas un seul jour, et fut admirable de gaîté et de courage. Il trouvait moyen de faire la cuisine, malgré le temps épouvantable qui renversait ses fourneaux ; soignait les matelots ; aidait notre mousse dans le service de la chambre ; prêtait encore la main à la manœuvre quand il le fallait, et souvent même faisait le quart de nuit. Pendant toute la traversée, il n’eut pas une minute de malaise, quoiqu’à le voir petit, maigre et pâle, on l’eût pris pour un homme