Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/139

Cette page a été validée par deux contributeurs.

malades sur le gaillard d’avant, les pansait, les consolait, les ranimait. – Eh bien ! garçons, leur disait-il en entrant, comment allons-nous aujourd’hui ? ces coquins d’abcès s’en vont-ils ?… Toi, Leborgne, on dit que tu bois la mer et les poissons : tu es peut-être échauffé, mon garçon ?

– Échauffé, capitaine ! oh ben oui ! c’est tout le contraire : je grelotte.

– Mais, bêta, tu grelottes parce que tu as la fièvre.

– Oh ! oui ! et d’une belle force ! Mais capitaine, j’avais toujours entendu dire que l’on avait chaud avec la fièvre, et moi je suis gelé.

– Comment ne serais-tu pas gelé avec ta chemise rose, imbécille ? Mais tu étais donc fou quand tu t’es embarqué pour passer le cap Horn avec cette seule chemise de toile et un mauvais pantalon ?

– Que voulez-vous, capitaine ? je déteste les bagages : je trouve que cela embarrasse à bord ; et puis, le vrai matelot, doit être comme le limaçon qui porte tout sur lui.

– Malheureux ! c’est avec de semblables idées que tu es arrivé à trente-huit ans, n’ayant