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lui fournit les vêtements que le règlement l’oblige à avoir, et qu’il ne peut représenter, puis on en retient le prix sur sa solde. Pourquoi la même surveillance ne serait-elle pas exercée à bord des navires de la marine marchande ?

L’imprévoyance du matelot, ou son insouciance, même pour les maux contre lesquels il aura à lutter, l’assimile à l’enfance ; il faut prévoir pour lui, notre intérêt, autant que l’humanité, nous y oblige. La souffrance physique, portée à l’extrême, démoralise l’homme à un tel point qu’on ne peut en obtenir aucun service. Ces messieurs m’en ont raconté divers exemples. Il est arrivé, au cap Horn, à plusieurs capitaines, d’être forcés, afin de se faire obéir, de commander avec un pistolet chargé à chaque main, les matelots se refusant à monter dans les hunes. Le froid excessif fait tomber le matelot dans une démoralisation qui le rend absolument inerte ; il résiste à la prière, il supporte les coups sans que rien puisse le faire mouvoir. Quelquefois ces malheureux sont pris par l’onglée ; et, s’ils se trouvent alors dans les hunes, ils se laissent choir au risque de se tuer, tant leurs mains sont douloureuses ou engourdies. Si ces hommes étaient bien couverts,