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était le cuisinier. Celui-ci, au nom de Neptune, dont il s’intitulait le secrétaire, écrivit une lettre au capitaine. Leborgne se chargea de la remettre ; revêtu d’une toile à voiles imbibée d’eau de mer, il avait assez l’apparence du messager du dieu des ondes.

Je suis fâchée de ne plus avoir cette lettre : le style, l’orthographe et la pensée étaient caractéristiques.

Le malin cuisinier exprimait le courroux que le dieu ressentait à voir son empire traversé par des capitaines philosophes. Il menaçait de les engloutir, à moins qu’ils ne voulussent bien se prêter de bonne grâce à payer le tribut qu’ils lui devaient. Notre capitaine comprit très bien l’ingénieux apologue, et afin d’apaiser le courroux de Neptune, il envoya à ses dignes représentants du vin, de l’eau de vie, du pain blanc, un jambon et une bourse dans laquelle chacun de ceux qui passaient la ligne pour la première fois avait mis une pièce de monnaie. Il nous parut que le dieu fut très sensible à tous ces dons, car nous entendîmes, au milieu des chants de ses serviteurs, les voix glapissantes du cuisinier et de Leborgne percer de la manière la plus discordante.