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citrons aigres que le pieux Tappe nous avait vendus pour de bons citrons ; il faisait donner à l’un de la soupe, à l’autre des bananes, à celui-ci du thé, à celui-là du punch ; enfin il était le garde-malade de tous.

Nous restâmes environ dix-sept jours dans les parages de la ligne. Peu à peu l’infection disparut. On nettoya parfaitement la chambre ; on brûla du vétiver, de la vanille ; chacun donnant tout ce qu’il avait d’odeurs, afin de parfumer cette chambre, qui était la capitale de notre empire.

Comme l’équipage du Mexicain se composait d’hommes de progrès, il n’y eut pas de baptême sous la ligne. Le navire, qui était à son premier voyage, avait été lancé du chantier sans être baptisé, et conséquemment n’avait eu ni parrain ni marraine. On était sorti de la rivière un vendredi, et le capitaine ne voulait pas qu’on fît de baptême, trois événements importants qui faisaient dire à Leborgne, le vrai matelot, que ses sœurs pourraient bien voir fleurir les cerisiers deux saisons de suite avant que nous revissions la terre. On n’osa pas aller contre l’ordre du capitaine ; mais il se trama une conspiration sur le gaillard d’avant, à la tête de laquelle