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trois-mâts de huit cents tonneaux ; tellement chargé, que les chaînes de haubans entraient dans l’eau : mais j’ai été volé par ces chiens d’Anglais. Ces pirates m’ont dévalisé.

— Dans quels parages ? demanda M. Ghabrié ; et de quoi donc étiez-vous chargé ?

— J’avais toute ma fortune à bord, reprit-il, évitant de répondre à la question ; c’était mon dernier voyage. Ah ! les chenapans d’Anglais ! je les vois encore avec leurs habits rouges. Ces faquins-là sont bien les plus impudents coquins que Satan ait mis au monde : non contents de me voler, les scélérats m’ont garrotté et emmené en Angleterre.

— Diable m’emporte si je vous comprends, avec votre parler barroque, reprit M. Chabrié. Ce que je crois deviner, capitaine Brandisco, c’est que votre beau trois-mâts était tout bonnement un négrier, et le pirate qui vous a volé, une frégate anglaise qui vous aura pincé, n’est-ce pas cela ?

— Comme vous le dites, capitaine. Cet infernal gouvernement anglais m’a tenu pendant deux ans en prison. Ils m’ont relâché enfin, mais ces voleurs m’ont gardé mon trois-mâts et tous mes nègres ; c’est une infamie !