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tunités du capitaine Brandisco, j’allai lui faire une visite à bord de sa goélette. J’étais accompagnée par MM. David et Briet, car M. Chabrié ne se sentait aucune sympathie pour le pauvre capitaine vénitien.

Ce Brandisco était encore un original dans son genre : il posait pour moi, et je ne crus pas devoir en dédaigner l’esquisse. C’était un homme de cinquante ans, maigre et chétif, né à Venise. Depuis l’âge de six ans, il parcourait toutes les mers : il avait été mousse, matelot, capitaine et propriétaire de navire. Longtemps serviteur de l’épouse du doge, il s’était lancé ensuite dans le grand Océan, et avait éprouvé des fortunes diverses. Il parlait toutes les langues, mais toutes si mal, qu’à peine s’il pouvait se faire comprendre dans aucune, et néanmoins c’était un bavard intarissable. Il nous avait pris en grande amitié, moi surtout, parce que, disait-il, j’étais la compatriote de sa petite femme, c’est ainsi qu’il la nommait. Ce capitaine Brandisco nous avait raconté son histoire : de simple gondolier, il était parvenu à acquérir de la fortune ; devenu riche, il avait voulu l’être plus encore, et avait été ruiné.

— Oui ! nous dit-il un jour, j’ai eu à moi un beau