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j’examinai avec beaucoup d’attention toutes les figures noires et basanées qui se présentaient à moi ; tous ces êtres, à peine vêtus, offraient un aspect repoussant : les hommes avaient une expression de dureté, souvent même de férocité, et les femmes d’effronterie et de bêtise. Quant aux enfants, ils étaient horribles de laideur, entièrement nus, maigres, chétifs ; on les eût pris pour des petits singes. En passant devant la maison de ville, nous vîmes des soldats occupés à battre des nègres par ordre des maîtres auxquels ceux-ci appartenaient. Cette cruauté, dans les usages habituels de cette population, redoubla l’humeur sombre que la scène du consulat m’avait donnée. Arrivée chez madame Watrin, je me plaignis à cette dame, qui paraissait si bonne, de tous les actes de barbarie que j’avais vu commettre dans la ville. Elle se mit à sourire, et me répondit avec sa douce voix :

— Je conçois que pour vous, nourrie dans d’autres mœurs, ces coutumes paraissent étranges ; mais vous ne seriez pas ici huit jours, que vous n’y songeriez plus.

Cette sécheresse, cette dureté me révoltaient. Il me tardait d’être loin de tout ce monde.

La veille de notre départ, cédant aux impor-