Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. Tappe me parlait de tout ce que je viens succinctement de raconter avec une simplicité, une bonhomie qui me laissaient tout ébahie. Je regardais cet homme, cherchant à deviner dans ses traits quelle pouvait être sa pensée ; mais, pendant tout le temps qu’il causa avec moi, sa figure n’exprima aucune émotion : il resta calme et impassible.

Je ne trouvai pas un mot à répondre à M. Tappe ; j’éprouvais, à sa vue, une de ces répugnances instinctives, et, ne pouvant m’en débarrasser autrement, je descendis dans la chambre : j’y trouvai M. David en grande tenue de négligé, à table avec son consul qui, décidément, ne pouvait plus le quitter. Quand j’entrai, il jeta son cigare et me dit :

— Eh bien ! mademoiselle, que dites-vous de l’aimable compatriote que je vous ai amené ? J’espère, et vous en conviendrez, qu’il se trouve aux îles du Cap-Vert des Français un peu soignés. Voilà un homme qui parle latin mieux que Cicéron. Ce gaillard vous cite Horace, Juvénal ou Virgile à propos de citrons verts ou de choux mal venus, sans compter les passages des Saintes Écritures ; il connaît aussi l’hébreu. Je suis sûr, mademoiselle, que vous êtes flattée