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M. Tappe, en achevant son histoire, se croisa les mains sur sa poitrine, leva ses petits yeux gris vers le ciel, et récita à mi-voix deux ou trois phrases latines que je ne rapporte point, parce que je ne comprends pas le latin.

J’étais curieuse de savoir quel genre d’affaires avait déterminé M. Tappe à abandonner l’apostolat pour les chances de la fortune : je lui demandai quel pouvait donc être le moyen de fortune rapide qui l’avait séduit.

— Mon Dieu, mademoiselle, il n’y a sur cette côte qu’un seul genre de commerce, c’est la traite des nègres. Quand je vins m’établir dans cette île, ho ! alors, c’était le bon temps ! il y avait de l’argent à gagner, et sans se donner beaucoup de peine. Pendant deux ans, ce fut un beau commerce ; la prohibition même de la traite faisait qu’on vendait les nègres tout ce que l’on voulait ; mais, depuis lors, ces maudits Anglais ont tant insisté pour l’exécution rigoureuse des traités, que les dangers et les dépenses qu’occasionne le transport des nègres ont ruiné entièrement le plus avantageux commerce qu’il y eût ; ensuite cette industrie est maintenant exploitée par tout le monde, et on n’y gagne pas plus qu’à vendre des ballots de laine ou de coton.