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LES COULISSES DE L’ANARCHIE

principe de l’action individuelle répugne à l’esprit populaire. Nos masses ne comprennent que la révolte collective ; et, comme l’a dit très justement Merlino, le jour où elles s’ébranleront ce sera pour leur émancipation complète, non pour exercer une vengeance contre un individu, — fût-il magistrat.

En général, l’anarchiste n’est point dynamiteur, ni partisan de l’action isolée.

Ces deux considérations les distinguent du nihiliste auquel on ne se lasse point de le comparer.

D’abord le nihiliste n’est pas un prolétaire ; c’est un bourgeois, souvent un millionnaire, parfois un grand seigneur, presque toujours un homme instruit. Comme il est assuré de n’exercer jamais aucune action sur les masses populaires, il s’en isole ; et comme il ne peut compter ni sur le nombre, ni sur une démocratie, ni sur une armée, il a recours aux explosifs. L’anarchiste est un ignorant ; le nihiliste sait. L’anarchiste est un rêveur qui espère ; le nihiliste est un dépossédé qui se venge. Le nihiliste « travaille » pour lui, pour lui seul ; l’anarchiste songe moins à lui-même qu’à l’humanité tout entière. Le nihiliste n’est solidaire de personne ; l’anarchiste se proclame solidaire de tous.

Seuls, dans l’anarchie, quelques hommes sont imbus de l’esprit nihiliste, recommandent la propagande par le fait, l’emploi des explosifs. Ce sont les lettrés, les docteurs diplômés, les savants, les mathématiciens du parti, ceux qui, par leur instruction et