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MONOGRAPHIE DE L’ANARCHISTE

qui le mitraille sur les places publiques, le magistrat sans pitié pour lui, la banque qui accapare chaque jour une croûte de son pain, le juif qu’on lui désigne comme son ennemi le plus âpre et le plus tenace, l’argent qu’il ne possède pas et qui l’opprime, la presse asservie aux partis et aux capitaux, — cet anarchiste se persuade que c’est cela, tout cela qu’il importe de balayer au plus tôt. C’est cela, tout cela qui se dresse entre lui et le bonheur, l’émancipation, l’avenir.

Balayer. Oui. Mais comment ?

Ici l’anarchiste hésite, se gratte la tête, s’interroge. Ici, il est livré à lui-même. Les Reclus, les Kropotkine, les Émile Gauthier, les Merlino, les Malato, les Malatesta, ceux qui lui ont enfoncé sous le crâne cette vision d’une prochaine aurore, ne l’ont pas accablé de renseignements sur les moyens à mettre en œuvre. Il ne peut ni calculer, ni combiner, ni préparer, ni prévoir. Que fait-il ?

Il rêve.

Le poète éclot. Quoi d’étonnant ? Ce malheureux est un enfant. Hier encore, du moins, il en était un. De jour en jour il devient plus sceptique, plus « roublard. » Mais il a conservé un adorable fond de candeur. Il rêve le bonheur des peuples, l’union, la paix, l’amour, l’universelle fraternité. Plus de pauvres, plus de prisons, plus de guerres, plus de misère. Le poète qui est dans l’anarchiste a horreur du sang, de la dynamite. Il sait qu’il devra se battre pour renverser la société bourgeoise, mais il espère