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LES COULISSES DE L’ANARCHIE

trouvait pondérée par le sang-froid du saxon, li n’a jamais eu que des colères blanches.

Certes, tous ces hommes, pour avoir épousé la même idée, la même passion, les mêmes manies, n’ont point cependant abdiqué leur personnalité. L’anarchie, comme toutes les agglomérations, compte de parfaits gredins et de très honnêtes gens. Il se trouve même des hommes d’une délicatesse suprême parmi les repris de justice du parti.

Ceci demanderait à être expliqué longuement si je n’avais la ressource de faire comprendre par un exemple ce genre d’honnêteté scrupuleuse qui a un casier judiciaire.

Il y a deux ans bientôt, comme je purgeais une condamnation à trois mois de prison, pour duel, dans une cellule de la prison des Petits-Carmes, à Bruxelles, le directeur de cet établissement m’accorda l’autorisation de faire faire mon lit et mon petit ménage de détenu par un condamné de droit commun. Cet homme entrait dans mon cachot le matin, à midi et le soir sans qu’au début l’idée me vint de lui adresser la parole. Mais bientôt, l’ennui me gagnant, j’en vins à considérer comme une bonne fortune de causer un peu chaque jour avec ce pauvre diable. Il m’avoua alors en être à sa huitième condamnation ; et je songeai que le directeur aurait bien pu me fournir un criminel moins endurci. Le brigadier auquel je me plaignis m’apprit qu’il n’avait jamais rencontré d’homme plus complètement honorable, et qu’en comparaison de ce repris de jus-