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LES COULISSES DE L’ANARCHIE

pesant plus de trente kilogrammes, et n’avait avalé qu’un œuf cru. Onze heures allaient sonner. L’anarchiste se sentait un peu d’appétit. Il entra, s’installa, commanda un repas modeste.

Alors cet homme qui venait, non-seulement d’échapper à une mort foudroyante, mais de commettre un attentat dont il ignorait toutes les conséquences, cet homme que l’on pouvait supposer frissonnant encore — ému tout au moins — entreprit de convertir le garçon marchand de vins qui le servait !

On a beaucoup parlé de cette première conversation entre Ravachol et Lhérot, — assez inexactement parfois. Lhérot, devant la cour d’assises, s’est défendu d’avoir prêté l’oreille aux théories de son client. Il pourrait bien avoir exagéré son dévouement à la bourgeoisie. Ravachol — qui n’était pas menteur — a affirmé que l’entretien avait porté d’abord sur les tristesses, les fatigues, les sujétions de la vie militaire et qu’il en avait pris texte pour essayer de convertir Lhérot à l’anarchie. Quoi de plus naturel ? Quoi de plus vraisemblable ? Lhérot sortait du régiment et n’y avait pas été heureux. Il se félicitait d’avoir fini son temps. Peut-être — quoiqu’il ait dit — s’est-il plaint de la sévérité de ses chefs. Quel soldat ne prononce pas de semblables paroles en rentrant dans ses foyers ?

Cela suffit à Ravachol. II parla. Cet illettré qui avait peu lu, et mal, se rappela qu’il avait été lui-même conquis par la parole, catéchisé pour ainsi