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LES COULISSES DE L’ANARCHIE

contemplera comme une terre promise. Peut-être ira-t-il en Allemagne, dans la vaste Allemagne si inclémente à l’anarchie ; — à moins qu’il ne descende dans l’Est par le Luxembourg et ne gagne le Jura par les Vosges.

En deux ou trois ans il aura vu des pays, laissant partout une mince semence de révolte qu’il aura jetée derrière lui indifféremment, sans s’inquiéter de la qualité du terrain. Ses connaissances se seront considérablement augmentées ; il aura suppléé par l’expérience à l’éducation. Il connaîtra les langages et les patois, ayant parlé breton à Vannes, normand à Caen, le wallon à Namur, le flamand à Gand, le marollien à Bruxelles, l’allemand dans l’Est ou en Suisse ; et, pareil à ce bohème cosmopolite qui avait appris à emprunter cent sous dans toutes les langues du monde, il sera devenu capable de prêcher l’anarchie dans tous les argots.

Surtout dans son argot à lui qu’il a créé à l’image de sa doctrine et dont tous les vocables ont un sens ultra-révolutionnaire, sans rien devoir aux argots d’antan étudiés et codifiés par Paul Delvau ou par Lorédan-Larchey.

Dans ce langage épileptiforme, le député toujours soupçonné de courir les pots-de-vin est un « bouffe-galette » ; le Palais-Bourbon c’est « l’Aquarium » ; le magistrat : un marchand d’injustice ; la nourriture : du boulot ; les bourgeois riches : des gavés ; les pauvres : des mendigots ; les jurés — ces bourgeois alignés sur deux rangs devant la Cour d’as-