Page:Fleury - Littérature orale de la Basse-Normandie.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
LITTÉRATURE ORALE

mine et par abréviation Blanmine. Un soir qu’il avait ainsi envoyé Blanmine en avant et qu’il se rendait à pied chez lui en traversant la lande, il aperçoit tout à coup sa jument qui vient à lui en faisant des carousades, c’est-à-dire des sauts joyeux :

— C’est toi que v’là, lui dit-il, viens t’en !

Mais la jument, au lieu de le suivre, rebrousse chemin et se prend à courir. Mon grand-oncle se met à sa poursuite. Elle le promène ainsi longtemps sur la lande, sans qu’il parvienne à l’attraper. Quand il fut à bout de forces, il s’assit sur une pierre, et après s’être un peu reposé, il se rendit chez lui, où il n’arriva qu’au grand jour.

— Je ne sais ce qu’a Blanmine, dit-il à ma tante. Elle court comme une folle sur la lande, je n’ai jamais pu l’attraper.

— Blanmine ! dit ma tante : elle est revenue hier soir comme à l’ordinaire ; elle est dans l’étable.

— Alors, dit mon oncle, c’est la Demoiselle qui m’a fait courir toute la nuit.

Il y avait à la maison d’Héauville un petit domestique nommé Luzerne qu’on envoyait le soir conduire les chevaux dans les herbages. Un jour qu’on parlait de la demoiselle d’Héauville,