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mon sillon.

Mademoiselle Bonnelin garda le silence. Elle ne pouvait se tromper sur l’expression de la physionomie du jeune homme, ni douter que l’affection qu’il éprouvait pour la pupille de son patron ne fût un sentiment profond et vrai, mais elle le trouvait imprudent. L’hésitation de sa prévoyance ne dura pourtant qu’un moment ; Fanny, avec la petite fortune qu’elle possédait maintenant lui paraissait à la réflexion un parti sortable. D’ailleurs, elle ne désirait qu’une chose en ce monde : le bonheur de René et celui de Mélite.

Elle arrêta brusquement son rouet, se leva, secoua son tablier de mérinos noir, et jeta sur ses épaules courbées un châle aux dessins antiques posé sur le dossier d’une chaise, près d’elle.

Puis elle se tourna vers René.

— Ainsi donc, commença-t-elle, je lui dirai que…

René pâlit, et, d’une voix ferme, il ajouta

— Que je lui ai donné ma vie, que je n’aurai d’autre femme qu’elle.

— C’est bien. Où te retrouverai-je ?

— Ici.