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mon sillon.

Sans l’avouer à son mari, elle craignait sérieusement de le voir partir et s’éloigner. Que deviendrait-il seul contre la destinée, seul contre la déception, seul contre lui-même ? Telles étaient les questions qu’elle s’adressait avec angoisse. Elle cherchait laborieusement un moyen de le retenir, de le fixer. Une femme célèbre a dit qu’il n’est pas aussi difficile qu’on croit de rester fidèle à ses engagements, parce que l’engagement qu’il faut garder vous garde à son tour, il tranche dans le vif de l’incertitude et protège la volonté de toute la force de l’arrêt rendu. Madame Després pensait ainsi. Si Charles consentait à s’établir notaire à Damper, il s’y marierait, et c’en était fait des vagues projets, des idées ambitieuses ; il mettrait les deux pieds dans la vie réelle, agissante, et l’habitude et les liens de famille anéantiraient jusqu’à l’ombre d’un regret. Mais, s’il refusait cette occasion unique de se fixer avantageusement près de ses parents, il était perdu pour elle, il se lancerait dans ces carrières hasardeuses qui, de loin, le fascinaient, et où, sur vingt, dix-neuf périssent. Elle le cherchait en ce moment pour lui parler de cette affaire capitale, espérant encore au fond de son cœur qu’il ne lais-