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mon sillon.

plus délicates tendresses. Les autres analysaient ses aspirations, ses dégoûts, ses caprices, et levaient les épaules d’impatience ; elle feignait de ne rien analyser, de ne rien deviner ; il souffrait, cela lui suffisait, et elle compatissait aveuglément à tout. Et cependant personne peut-être n’avait sondé aussi profondément qu’elle le mal mystérieux dont il était atteint, personne n’avait mieux lu dans cette imagination malade, toute pleine de séduisants mirages et de désirs insensés. Elle avait vu se développer dans l’âme de son fils le germe funeste d’une ambition dévorante et maladive, elle avait suivi d’un œil triste, mais perspicace, le progrès du mal, et elle avait essayé d’y porter remède. Elle avait échoué, et cela devait être, puisqu’elle ne pouvait ni lui procurer l’existence brillante qu’il rêvait, ni lui faire goûter malgré lui les charmes d’une vie dont il dédaignait les simples joies. Charles avait beau se replier sur lui-même, et fermer son âme, sa mère s’y insinuait et s’expliquait tout ce qui s’y passait, bien qu’elle ne connût rien au delà de son étroit horizon. Le cœur parfois a de meilleurs yeux que l’esprit, et l’instinct maternel rend singulièrement clairvoyant.