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mon sillon.

besques et les figures les plus fantastiques, et il ajouta d’une voix faible, quoique parfaitement distincte :

— Mais je ne me trouve bien qu’ici. C’est ici que j’ai passé ma vie. Dans ce coin où je suis en ce moment j’ai copié mes premières minutes, il y a de cela longtemps, bien longtemps. J’avais quinze ans, j’étais pauvre et chétif, je n’aurais pas osé penser qu’un jour j’achèterais l’étude, et pourtant ce jour-là arriva. Le père de Fanny, qui était riche alors, m’avança les quinze mille francs nécessaires sur ma seule parole, et dix ans après j’étais quitte envers lui. Si j’avais encore vécu quelques années, je serais mort content. Sans faire tort aux enfants de mes frères, j’aurais laissé une fortune à Fanny.

— Oh ! ne vous occupez pas de moi, dit la jeune fille tristement.

— C’est cependant de toi que je m’occupe le plus, mon enfant. En t’adoptant après la mort de ton père, j’ai voulu reconnaître les services qu’il m’avait rendus et contribuer à ton bonheur en ce monde. Je meurs trop tôt, trop tôt pour toi. Au commencement j’avais tant de charges, l’étude à payer, une famille à soutenir, il fallait y regarder