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mon sillon.

fond, vers lequel son regard expressif semblait invinciblement attiré. L’autre, beaucoup plus âgé, était un pauvre diable râpé, graisseux, qui avait fait la sottise d’abandonner sa charrue pour venir gagner dans ce morne réduit de maigres appointements qu’il aurait pu gagner en travaillant et joyeusement en plein air. Il lisait avec recueillement les pages volantes et timbrées étalées devant lui dans un ordre rigoureux. Au fond de l’appartement, assis dans son fauteuil de cuir, devant le large bureau surmonté d’une bibliothèque dont les rayons pliaient sous les épais volumes de jurisprudence et les cartons verts convenablement gonflés, se trouvait le notaire, c’est-à-dire un squelette habillé, voulant se donner l’air de vivre. Le pauvre homme avait revêtu la culotte grise, le gilet de drap noir à revers, la redingote au collet droit et large qui formaient sa toilette de maison et de rue ; il avait voulu qu’on plaçât dans ses solides souliers à lacets les pieds débiles qui ne pouvaient plus le soutenir, et il s’était coiffé de la casquette plate qui, depuis bien des années projetait l’ombre de sa longue visière sur un visage d’une laideur extrême, mais sur lequel, après examen, on dé-