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mon sillon.

rit à tout propos ; qui ne peut rester en place, qui chante comme si elle avait quarante loriots dans la tête.

L’excès d’inquiétude engendre l’excès de gaieté et, pour moi, je ne suis plus que rires et chansons. Je chante en frictionnant la main rhumatisée de tante Marie, je chante aux oreilles de mon vénérable oncle, même en lui versant son café, je me sens des envies de faire pirouetter la solennelle Fantik, j’embrasse les soyeuses oreilles de Tack qui aboie de joie, instinctivement, enfin je suis heureuse, presque aussi heureuse que toi, ce qui n’est pas peu dire. Ta précieuse lettre dans ma poche, j’ai pris à grands pas après dîner le chemin de la Brise. J’avais besoin de mouvement et il est si doux de porter une nouvelle heureuse. En route j’ai rencontré l’éternel Colomban. Notre juif errant dampérois cassait une croûte, assis sur la pierre enguirlandée de la fontaine Verte, dans les eaux limpides de laquelle il plongeait comme une coupe de bronze sa main calleuse, quand la soif venait. J’ai épanché dans ce cœur fidèle le trop plein de ma joie et afin que ce jour fût aussi pour lui un jour de fête, je lui ai demandé d’aller finir de dîner au