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mon sillon.

sur mon front et est devenu sombre, sombre comme mon cœur. Je ne pensais plus, je n’espérais plus, je n’aimais plus, je souffrais. Je me sentais pleine d’une ironie amère contre les pauvres heureux de ce monde, tant ce monde me paraissait usé, débile, faux, frappé de mort. La mort était dans tout, dans ce que j’avais connu et ce que j’avais ignoré, dans ce dont j’avais joui et dans ce dont je n’avais pas voulu jouir. Toute chaleur, toute lumière semblaient éteintes en moi. Les ténèbres se condensaient autour de mon âme qui agonisait dans un corps sain, vivant, mon cœur me semblait réduit en poussière comme celui des êtres chéris qui n’étaient plus.

C’était la nuit enfin, déjà la nuit, la nuit au milieu du jour. On compare la vie à une journée et chacun sait que l’heure où les derniers rayons lumineux s’effacent graduellement sur un ciel noir, pesant, livide, est l’heure écrasante du jour. C’est l’heure des souvenirs mélancoliques, des secrets découragements, l’heure redoutable pour tout ce qui souffre dans la nature. Mais l’imagination peut soulever le voile et on peut voir apparaître radieuse l’aurore du lendemain.