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mon sillon.

mille, mon chien, mon cheval, les pauvres, les enfants. Un jour enfin j’aimai Dieu. Ce jour-là, j’étais assise sous une touffe d’aulnes, tout au bord de la rivière limpide, écoutant en même temps que son harmonieux murmure le chuchottement mystérieux et un peu confus des voix intérieures qui commençaient à parler en moi. Je ne sais quel souffle de tristesse étrange passa soudain sur mon âme joyeuse, tout se voila, se ternit autour de moi. Cette angoisse sans nom que je pourrais appeler la première aspiration de l’idéal, à la poursuite duquel nous usons toutes nos forces dans la partie éclairée de la vie, ne dura que quelques secondes. Je relevai ma tête enfantine qui s’était courbée instinctivement, je regardai ardemment le ciel et un élan de mon cœur me porta jusqu’à Dieu, jusqu’au Dieu de ma première communion. Je fus singulièrement raisonnable et pensive pendant huit jours. Alors s’ouvrirent les exercices de l’adoration dans ma petite paroisse et je pris la résolution de les suivre exactement. Je les suivis, renonçant pour la première fois de mon plein gré à ma chère indépendance, remplaçant par une capote de crêpe bleu le commode chapeau sous lequel mes