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mon sillon.

dans ces rues presque trop encombrées de vivants, j’ôte mon chapeau devant un corbillard noir qui passe, emportant un être sans vie, je suis blessé du contraste. La mort, dans Paris, étonne comme quelque chose d’anormal. C’est comme la faiblesse et la maladie.

Cette foule, ce flot qui roule, n’est pas faite pour les faibles et les souffrants. On voudrait en écarter le vieillard, la femme maladive, l’enfant débile, le malheureux infirme ! Mais eux aussi aiment le vertige, ils s’y complaisent. Ma sœur, tu vis au milieu des visages doucement pétrifiés, ou simplement contents, ou franchement joyeux de Damper, tu ne te figures pas ce que c’est que l’aspect général des physionomies dans Paris.

Un mot le rend : fièvre, fièvre partout et toujours. Chaque machine humaine semble recevoir je ne sais quelle impulsion qui en fait marcher les mille ressorts. Chez les heureux, chez les forts, chez les jeunes, chez les étrangers, elle se dissimule, et quand elle se montre, elle ne déplaît pas, car elle s’appelle inexpérience, délire, joie, curiosité, vie. Chez les autres, ah ! chez les autres, à l’extrémité de l’échelle du bonheur, elle est navrante !