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mon sillon.

Paris il faut être Parisien et ne pas avoir trop l’air de sortir de son village. Pauvre village dédaigné, comme on l’aime pourtant ! Je sens bien que tu y songes, et que c’est bien ton éloignement qui t’a causé le petit accès de découragement qui passe comme un nuage léger sur ta dernière lettre. Je ne m’en afflige ni ne m’en étonne. À un certain âge, il est dur, il est douloureux de quitter son pays. On a déjà appris à redouter les changements, les séparations, à se défier de l’inconnu. Mille fantômes se lèvent à la fois devant le cœur éperdu et lui font chérir les liens prêts à se briser.

Quand ma lettre t’arrivera, cette tristesse ne sera plus qu’un souvenir, mon cher René. Attendre est certainement bien ennuyeux ; trouver de l’indifférence, de l’égoïsme, de l’ironie, là où l’on a rêvé de rencontrer une bienveillance pleine d’encouragement, est très-dur aussi, mais il faut passer par ces déceptions et les supporter le plus gaiement possible.

Tu as Paris à visiter, d’ailleurs, parle-moi donc de Paris que je ne connais qu’en peinture et en récits.

L’hiver est venu, tout s’enlaidit au dehors,