Page:Fleuriot - Mon sillon.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.

100
mon sillon.

Désormais je serai réduite à mon propre fond, me voici obligée de penser seule ! Je crains un peu de ne plus penser du tout. Les allures de mon esprit en ce moment me représentent les premiers pas que l’enfant fait hors de ses lisières. Comme il hésite ! comme il tremble ! comme il avance en chancelant et avec des airs éperdus ! Il faudra donc que tu m’encourages à marcher, mon cher René, à marcher sans toi. Ah ! pourquoi ceux qui s’aiment si bien ne peuvent-ils pas toujours rester unis par les habitudes de la vie, comme ils le sont par le cœur, l’esprit et l’âme ? Un peu de fortune en plus, un établissement industriel quelconque à Damper et nous ne nous quittions jamais ! Si peu que cela ! mettant entre nous tant d’espace et changeant tellement notre mode d’existence ! Résignons-nous et espérons surtout, n’est-ce pas, mon frère ?

J’attends ta première lettre avec une impatience bien peu raisonnable, car enfin tu n’auras pas l’ombre d’une nouvelle à nous annoncer. Mais qu’importe, on bâtit, on bâtit si vite en imagination. Ce qui me fera supporter ton exil, ce sera la pensée de te savoir occupé selon tes