Page:Fleuriot - Mon sillon.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

108
mon sillon.

sements, encore moins te les faire partager. Il ne faut pas que tu croies que pendant que tu prends ton courage à deux mains pour te créer une carrière, celles qui t’aiment passeront leur temps à geindre lâchement. Non, mon cher René, il n’en sera pas ainsi. J’admire ton énergie, ta persévérance, et si j’étais un homme, j’agirais comme tu as agi. Je quitterais mon pays, puisque mon pays ne m’offre aucune position en rapport avec mes goûts et mes aptitudes ; je quitterais ma famille, puisque cette pauvre famille n’a, hélas ! qu’un cœur pour m’aimer, et pleine de foi dans le secours que Dieu ne refuse jamais aux hommes de bonne volonté, aguerrie contre la souffrance que je connais de vieille date, je m’élancerais comme toi dans le champ de la vie pour y tracer mon sillon.

Me voilà devenue bien vaillante, en vérité, et tu souris dans ta moustache. Que veux-tu ! tes paroles résonnent encore à mes oreilles, et, en parlant ainsi, je ne suis que l’écho de tes propres pensées. À force de vivre ensemble, de causer ensemble on en arrive à formuler les idées qui ont germé dans le cerveau des autres et à se les approprier.