Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de M. le Duc. Elle y portait déjà la main qu’elle pensa qu’il lui fallait prier le Sauveur et lui rendre grâces. Elle s’agenouilla donc devant ce lit où elle venait de perdre son bien le plus précieux. Sa honte s’était dissipée depuis l’inspiration qu’elle pensait avoir reçue du Ciel. Elle ne ressentait plus qu’une douleur physique et quelque courbature des rudesses de M. le Duc.

« Seigneur, dit-elle en elle-même, c’est ici que vous m’êtes apparu pour me désigner le lieu du sacrifice et m’engager à vous immoler ma vertu. J’ai compris, à voir l’image du Carmel au-dessus de l’hôtel de mes maîtres, que par celui-ci je parviendrais à celui-là. J’en aurai plus de révolte devant le dégoût. J’aurais marché sur des épines, mais, puisque vous m’avez indiqué la voie de l’opprobre qui mena Marie-Madeleine à vos pieds, je la suivrai sans remords. Je vous bénirai, Seigneur, mon seul Maître, et mon seul amour, dans la plus grande répugnance que j’aie jamais ressentie même devant l’ordure, et je prierai pour ceux qui me la feront éprouver. Mes sœurs humaines ne vivent que dans l’espoir de ces turpitudes ; quand elles les ont connues, elles n’en attachent que plus de prix à la vie. Mais moi, Seigneur, je me sens à présent délivrée de tout ce qui m’attachait encore à la terre. Il n’est plus pour moi de repos, de saisons, de saveur agréable, ni d’attachement d’aucune sorte. Je