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insupportable, et des cornes de bélier s’enroulèrent de chaque côté de sa tête. Il poussa un bêlement, ou plutôt un ricanement diabolique, puis, de sa langue frétillante, sa langue obscène, il couvrit d’une écume bouillante et nauséabonde le visage de Raton.

Per signum crucis de inimicis libera nos, Deus noster !… s’écria Raton en se signant à la hâte le front, la bouche et le cœur et mettant ainsi à profit une leçon de la bonne Sophie de Sainte-Anne.

La vision disparut aussitôt. Mais il en demeura une odeur infecte et une buée pareille à celle des étables, quand les valets les ouvrent par les matins d’hiver. La colombe, changée en une affreuse corneille, fit trois fois le tour de l’ermitage en se heurtant contre les murs. Elle partit avec de longs croassements qui retentirent au loin sur le faubourg Saint-Jacques.

Raton s’était précipitée dehors malgré le vacillement de ses jambes. Sans pensée, le cœur battant de peur et de honte, elle reprit sa bêche et tenta de continuer son travail. La faiblesse de ses membres l’empêcha d’enfoncer l’outil dans la terre. L’infection du bélier, qui lui rappelait avec plus de puissance celle de M. Poitou, lui soulevait le cœur, si bien qu’à tout moment elle s’essuyait le visage de sa manche. Enfin, cette odeur l’obséda tellement qu’elle résolut de se laver, et elle se