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l’épaule qui soutenait sa tête. La charité de Raton ne méprisant pas ces caresses, la sainte fille descendait de temps à autre des régions séraphiques pour flatter de la main la gorge de cette Nicole qui lui signalait sa présence à la façon d’un chien fidèle. À l’écart, la harpe et le clavecin égrenaient en sourdine des airs où le sacré se mêlait au profane ; les voix des pensionnaires soupiraient l’un et l’autre amour. Parfois, ces Sylphides dansaient avec discrétion. En voletant, leurs écharpes de gaze figuraient des ailes et suscitaient dans le naïf esprit de la Boiteuse l’image des anges dont elle entendait parler.

Une inquiétude, cependant, voire un tourment véritable, relançait Raton au milieu de ces paisibles entretiens : son Divin Maître ne lui apparaissait plus ! Surtout, elle se consumait dans l’attente de la touche divine qui l’avait si profondément troublée devant le portrait de M. le Duc, et elle se répétait ces vers de Marie Alacoque, dont elle savourait la suave amertume :

L’Amour m’a fait un épithème
Qui me blesse et me fait languir,
Bien que ma douleur soit extrême
Je ne voudrais pas en guérir !

— Raton, lui expliqua l’abbé, il ne convient pas de désespérer de Dieu. La privation de la grâce qu’il t’a