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l’esprit. Il faut se mettre ensuite devant Notre-Seigneur comme une toile d’attente devant le peintre.

— Trop de figures, dit M. de Mazan, replongent dans l’obscurité d’où l’on tentait de sortir. Votre abstrait et votre concret se ressemblent diablement !

— Monsieur, répliqua l’abbé, il est dit par la plume du très-suave François de Sales, au sujet de la théologie mystique, que le langage des amants est si particulier que nul ne l’entend qu’eux-mêmes. Pour ce qui est de la toile, image à la portée du plus chétif intellect, le Souverain Maître y peint tous les traits de sa vie souffrante. L’âme en reçoit l’impression et passe par les mêmes douleurs, depuis la Nativité jusqu’à la Mort sur le Calvaire, avant que de monter pour ses noces avec Notre-Seigneur le Thabor de la Transfiguration. Elle acquiert ainsi le goût de la Croix, dont saint Matthieu a pu dire que sans lui l’on n’a pas le goût de Dieu. « Je ne me trouvais nulle part si bien, écrivait sainte Thérèse, que lorsque je l’accompagnais en esprit dans le Jardin des Oliviers. » Ne vous étonnez plus, Monsieur, si ce goût fait trouver plaisantes et agréables les choses même les plus amères.

— Tiens, tiens !… fit M. de Mazan, de qui le visage s’illumina d’une flamme inquiétante. Mais nous en reparlerons tout à l’heure. En attendant, l’Abbé, puisque tu es là pour me jouer de la musique, je serais désireux